samedi 19 mai 2007
"Pourquoi certains écrivent-ils ? - Parce qu'ils n'ont pas assez de courage pour ne pas le faire."
C'est ça la culture, c'est un peu chiant, c'est bien ; chacun est renvoyé à son propre néant. (Michel Houellebecq)
Invention : La revue littéraire Le monde des spectacles invite ses lecteurs à s'interroger sur ce qui fait la spécificité du théâtre, en partant de la formulation suivante : « Pour moi, le théâtre, c'est ... ». Imaginez la réponse qu'a pu envoyer l'un de ces lecteurs.
Pour moi, le théâtre c'est la douce folie d'un auteur qui nous happe dans son imaginaire.Venez embarquer sur le paquebot de l'absurde en compagnie de Ionesco ! Il vous fera découvrir une jeune fille qui a presque tout pour être un génie ! Je dis bien presque tout, car, bien qu'elle sache à merveille manipuler les additions (« très en avance pour son âge »), elle ignore tout des soustractions. Mais heureusement pour elle, au cours de sa leçon, son professeur essayera de lui apprendre tout ce qu'elle ignore alors. Mais, sa justesse en langue la perdra ; parce qu'elle ne sait pas dire «Les roses de ma grand-mère sont aussi jaunes que mon grand-père qui était asiatique», elle mettra son professeur dans d'atroces colères qui le conduiront au pire. Tout juste le temps de la cacher avec ses « anciennes » élèves, que le vaillant professeur est reparti pour une nouvelle leçon ! Le rebondissement à la fin de la pièce pousse le spectateur à en sourire, et personnellement, j'en redemande !
Promenons-nous un peu sur le quai, ne serait-ce pas la spectre que recherche Hamlet ? Pauvre torturé qui finira bien mal comme chaque personnage de son entourage. Shakespeare devait sans doute broyer du noir lorsqu'il écrivit sa pièce, n'était-il pas doucement fou d'imaginer une telle histoire macabre ?
Voyez-vous au loin ce pompier ? On dirait qu'il semble perdu...ou peut-être cherche-t-il quelque chose...oui ! ça doit être cela ! Conseillons lui d'aller chez ce brave couple-là...vous savez bien...les Htims, non ! Je me trompe ! Les Smith ! Peut-être y trouvera-t-il du feu anglais...Ionesco était décidément un grand maître de l'absurde, prenant beaucoup de libertés (« l'humour, c'est la liberté »), ses pièces sont vraiment un plaisir avec ses personnages tous plus drôles les uns que les autres. À défaut d'avoir transformé une tortue en chapeau, il aura transformé des comédiens en rhinocéros.
Oh ! Regardez l'îlot au loin.. ! On dirait qu'il y a deux hommes...au pied d'un arbre, un saule je crois ! Qu'est-ce qu'ils font ? Quoi ! Il y en a un qui essaye de se pendre ? Mais pourquoi.. ? Parce que Godot n'est pas venu hier, ni aujourd'hui, ni demain, ni après-demain d'ailleurs...La façon, dont Beckett termine sa scène est, je trouve, magistrale. Après que les deux clochards se sont mis d'accord pour partir, ils restent au même endroit et « RIDEAU ». Cette fin résume la pièce, elle est construite comme cela, de dialogues sourds de fous. Les personnages secondaires sont eux aussi magistraux, le maître qui tyrannise son esclave...J'admire ces auteurs qui écrivent, on a l'impression, n'importe quoi mais qui parviennent à captiver le lecteur, l'emportant dans leur monde.
J'entends du bruit à l'avant, des cris plutôt... « Père Ubu ! Père Ubu ! » Rapprochons-nous donc ! Ils sont, ma foi, bien grossiers par-là ! N'hésitant pas à dire un juron par phrase, de « merdre de merdre » à « de par ma chandelle verte ! » en passant bien évidemment, par les menaces de mort, éloignons nous-en vite !
C'est déjà plus calme par ici...oh ! Tous ces gens qui pleurent, qu'ont-ils ? Trois deuils les accablent : ils ont perdu la petite Antigone, son fiancé Hémon et la mère de la petite princesse. Antigone d'Anouilh est vraiment la première pièce de théâtre que j'ai appris à aimer. Les tirades d'Antigone sur la vie, sur sa mort, sur les interdits qu'elle combat, sont époustouflantes. Le théâtre, c'est donner l'envie à un spectateur ou un lecteur d'apprendre par cœur toutes les répliques d'une pièce sans que cela soit une corvée. Antigone a été cela pour moi, elle a produit ce déclic. Bien sûr, c'est une tragédie, aucun moyen de rire donc, mais elle est tellement bien écrite.
Nous allons faire escale et justement j'aperçois un théâtre tout près. Je vais clore cet article en disant que le théâtre, c'est le bonheur de partager la folle imagination d'un auteur.
Références dans l'ordre à :
- La leçon d'Eugène Ionesco
- Hamlet de William Shakespeare
- La cantatrice chauve, Rhinocéros d'Eugène Ionesco
- En attendant Godot de Samuel Beckett
- Ubu roi d'Alfred Jarry
- Antigone d'Anouilh
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